La Proposition
Xavier Bertrand
> Source : Projet du candidatParce que je crois à l’apprentissage la prime qui n’est que de 1000€ en Picardie va passer à 3000€ par an dans toute la grande Région. Et cette aide sera versée à toutes les entreprises quelle que soit leur taille. Je ne crois pas aux seuils en matière de droit de travail, je ne les appliquerai pas au niveau régional.
L’analyse de l’Institut Montaigne
En quelques mots
Dans le programme du candidat, la mesure est décrite de la manière suivante :
"Parce que je crois à l’apprentissage, la prime qui n’est que de 1 000 € en Picardie va passer à 3 000 € par an dans toute la grande Région. Et cette aide sera versée à toutes les entreprises quelle que soit leur taille. Je ne crois pas aux seuils en matière de droit du travail, je ne les appliquerai pas au niveau régional.[1]"
Cette proposition relève les primes régionales à l'apprentissage à 3 000€, quelle que soit la taille de l'entreprise et les diplômes préparés. Elle coûterait chaque année un peu moins de 50 M€. Ce chiffrage se fonde sur les caractéristiques nationales des embauches d'apprentis. Il paraît toutefois robuste à une différence entre la région et le niveau national. L'aléa pour la région Nord - Pas de Calais - Picardie est plutôt vers davantage de recrutements dans les très petites entreprises (TPE), pour préparer des diplômes IV-V dans des parcours plus atypiques. Du fait des aides existantes, cette possibilité tendrait à réduire le coût de la mesure.
En 2013, pour un budget total de 2,8 Md€, le budget formation professionnelle - apprentissage de la grande région se serait élevé à 487,7 M€[2]. En comparaison, le coût de la mesure paraît soutenable mais est non négligeable (10 %).
[1]notreregionautravail.fr, page 29.
[2] 349,1 M€ pour Nord - Pas de Calais et 138,6 M€ pour Picardie.
Source : projet de comparaison des budgets régionaux Nord-Pas de Calais Picardie, CESER,
En détail
L'embauche d'un apprenti ouvre droit à de nombreuses aides (exonération de cotisations salariales, crédit d'impôt, aide TPE jeune apprenti, prime régionale). La proposition porte sur la prime régionale à l’apprentissage.
Cette aide est définie par un "socle" au niveau national[1]. Destinée aux entreprises de moins de 11 salariés ou aux entreprises de moins de 250 salariés qui accroissent leur effectif d'apprentis, elle est d'un montant minimal de1 000 € par année de formation. Son versement est fonction de l'assiduité de l’apprenti en centre de formations d'apprentis (CFA).Son montant et ses modalités d'attribution sont fixés par le Conseil régional.
En région Nord Pas de Calais, cette prime est définie de la façon suivante[2] :
- pour les contrats d’apprentissage ayant débuté à compter du 1er janvier 2014, une prime annuelle d’un montant de 1 000 euros est versée aux employeurs d’apprentis de moins de 21 salariés (au lieu de moins de 11 salariés,) y compris les employeurs publics ;
- cette prime pourra être complétée par un bonus de 500 euros en cas d’embauche en contrat d’apprentissage d’un apprenti majeur préparant un diplôme de niveau IV ou V (CAP, Bac Pro).
En région Picardie, cette prime est définie de la façon suivante[3] :
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, la Région verse à l'employeur, une prime à l'apprentissage de 1 000 euros par année de cycle de formation pour l'embauche d'unapprenti (la mesure s'applique aux employeurs privés comme publics).
Cette indemnité est majorée pour chaque année du cycle de formation de 1 000 euros pour l'embauche :
- d'une jeune femme sur un métier réputé masculin ou pour l'embauche d'un jeune homme sur un métier réputé féminin (liste des métiers fixée par la Commission permanente du Conseil régional, disponible sur demande) ;
- d'un jeune de 21 ans et plus au 31 décembre de l'année du début de contrat et préparant un diplôme de niveau IV ou V (uniquement pour les associations, les PME-PMI, les TPE et artisans de moins de 11 salariés).
Les différentes aides sont cumulables pouvant porter l’aide régionale à 3 000 euros par année de formation.
La mesure aura donc pour effet de majorer la primerégionale :
- de 3 000 € dans les entreprises de 21 salariés et plus, dans la grande région ;
- de 3 000 €, en Picardie, dans les entreprises de 11 à moins de 21 salariés ;
- de 1 500 € en Nord-Pas de Calais, dans les entreprises de moins de 21 salariés embauchant un apprenti majeur préparant un diplôme de niveau IV ou V,
- de 2 000 € en Nord-Pas de Calais, dans les autres cas (entreprises de moins de 21 salariés avec embauche d'un apprenti mineur ou préparant un diplôme de niveau I, II ou III) ;
- de 1 000 € en Picardie, dans les entreprises de moins de 11 salariés avec embauche d'un apprenti de 21 ans et plus préparant un diplôme de niveau IV ou V ;
- de 2 000 €, en Picardie, dans les autres cas (entreprises de moins de 11 salariés et apprentis de moins de 21 ans ou préparant un diplôme de niveau I, II ou III). (Nb : la prime pour les métiers « genrés » sera négligée dans ce chiffrage, compte tenu du faible coût a priori de cette partie du dispositif existant).
NB : Le bénéfice de la prime en cas d'accroissement de l'effectif d'apprentis dans les entreprises de moins de 250 salariés n'est pas indiqué par les régions. Il ne sera pas pris en compte dans les dispositifs existants.
La grande région comptait 33 262 apprentis en 2013 - 2014 (21 638 en Nord-Pas de Calais et 11 628 en Picardie)[4] . En postulant une même durée des contrats que la moyenne nationale, les flux d'embauches s'élèvent à 20 789, dont 13 524 en Nord-Pas de Calais et 7 265 en Picardie[5].
Les répartitions des embauches d'employeurs par âge, diplôme préparé et taille des entreprises sont les suivantes[6] :
- 53 % dans les entreprises de 11 salariés et plus ;
- 38 % dans les entreprises de 21 salariés et plus ;
- 64 % d’apprentis majeurs ;
- 28 % d'apprentis de 21 ans et plus ;
- 66 % d'apprentis préparant un diplôme de niveau III-IV.
Les sources mobilisées ne nous renseignent pas lorsque ces caractéristiques sont combinées. En première analyse, simplificatrice, on postule une répartition indépendante entre ces caractéristiques, c’est-à-dire par exemple que le nombre d’apprentis majeurs ne dépend pas de la taille de l’entreprise ou bien encore du fait que l’apprenti ait plus de 21 ans.
Les résultats sont alors les suivants :
Au total, la mesure coûterait chaque année 48,2 M€.
Avec l'hypothèse simplificatrice adoptée, toutes les embauches d'apprentis bénéficieraient de la mesure. 43 % des embauches bénéficieraient de 3 000 €, 25 % de 2 000 € d'aide, 19 % de 1 500 €.
La mesure bénéficierait pour près des deux-tiers au Nord-Pas de Calais (30 M€) et pour un peu plus d'un tiers à la région Picardie (17 M€), en cohérence avec la répartition des embauches d'apprentis entre ces deux régions.
Il peut être remarqué que 56 % du coût de la mesure vient du versement de primes de 3 000 € dans les entreprises de plus de 21 salariés, critère de taille d'entreprise pour lequel l'estimation est la plus robuste.
L’un des principaux aléas dans le chiffrage de la mesure tient aux possibles divergences des données de la région par rapport à la moyenne nationale et à la corrélation entre les phénomènes. Par exemple, du fait du tissu productif et des niveaux de qualification, une plus grande proportion d'embauches pourraient s'opérer dans des TPE, pour préparer des diplômes de niveau IV-V, pour des publics plus atypiques du point de vue de leur scolarité : davantage de mineur ou de majeurs de 21 ans et plus. Par exemple, avec la méthode employée, 34 % des apprentis employés dans les entreprises de moins de 50 salariés prépareraient un diplôme de niveau IV ou V[7].
Pour « tester » ce chiffrage, on autorise une modulation par rapport à la moyenne nationale :
Par rapport à la moyenne nationale, la seconde colonne présente une situation plus "dégradée" obtenue en modulant toutes les proportions de -25 % : davantage d'embauches dans des TPE dans la région qu’en moyenne au niveau de la France, d'apprentis préparant un diplôme de niveau IV-V, sur des âges plus atypiques... Par rapport aux aides existantes, la mesure s'avère moins coûteuse : 44,9 M€. Une alternative avec davantage de niveaux I, II et III dans des entreprises de plus grande taille, pour des âges plus standards (+ 25 %), serait en revanche plus coûteuse : plus de 50 M€.
Pour conclure, il peut être remarqué que si la mesure supprime des effets de seuil par rapport aux aides existantes, elle bénéficie davantage aux embauches dans les entreprises non TPE, pour des diplômes de niveau I-II-III et des âges plus standards dans les cursus éducatifs. Or, ce sont surtout les embauches d'apprentis de niveau IV-V qui ont baissé sur la période récente. Pour la France entière, leur part est passée de 43 % en 2011 à 32 % en 2014[8].
[1] Service public pour les professionnels
[2] Site de la Région Nord Pas de Calais, guide des aides.
[3] Site de la région Picardie
[4]Rapport du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP), Le financement et les effectifs de l’apprentissage, janvier 2015
[5] On comptait 424 000 apprentis pour 265 000 embauches en 2014. 33 262 / 424 000 * 265 000 => 20 789 embauches dans la grande région
Source Dares Analyses n° 57, "L'apprentissage en 2014", juillet 2015.
[6]Ces données sont issues de données nationales, Source : Dares, les caractéristiques des contrats d'apprentissage.
[7]D'après la même source, 68 % des embauches d'apprentis dans les entreprises de moins de 50 salariés sont peu diplômés.
[8]Dares Analyses n° 57, "L'apprentissage en 2014", juillet 2015.
Sources
- sites service public et des régions pour les descriptions précises des primes existantes ;
- rapport du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) pour les effectifs d'apprentis par région ;
- publications de la DARES pour les caractéristiques des embauches d'apprentis.
- Service public pour les professionnels
- Site de la Région Nord Pas de Calais, guide des aides.
- Site de la région Picardie
- projet de comparaison des budgets régionaux Nord-Pas de Calais Picardie, CESER
- Rapport du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP), Le financement et les effectifs de l’apprentissage, janvier 2015
- Dares Analyses n° 57, "L'apprentissage en 2014", juillet 2015.
- Dares, les caractéristiques des contrats d'apprentissage
Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes
La description de la mesure est claire, sans ambiguïté.
Parmi les difficultés :
• l'estimation des proportions de publics spécifiques ciblés par les aides existantes. Ces hypothèses ont toutefois un impact limité sur le chiffrage de la mesure. Celle-ci repose, en premier lieu, sur la répartition par taille d'entreprise des embauches d'apprentis, connue avec plus de précision au niveau national ;
• les statistiques relatives aux caractéristiques nationales sont appliquées, les pratiques peuvent différer significativement dans la région. Cette possibilité est testée et fournit une fourchette pour l'estimation. Son impact paraît limité.